L’Hivers sous la table, une pièce touchante, drôle, toute en fraicheur, dans laquelle vous pourrez cueillir au passage quelques métaphores pleine de charme. La distribution semble très réfléchit(1), le jeu est juste et généreux et le texte: un petit délice. L'histoire me direz-vous un peu irréaliste non? Une femme cherchant à « joindre les deux bouts » sous loue le dessous de sa table à un immigré pauvre certes mais pas moins gentleman pour autant. La promiscuité de la chair, la soif du partage et de la solidarité et, bien sûr, le côté incongru de la situation va créer une alchimie. Et les rôles s’inversent. L’habitation vétuste du locataire prend des allures de petit palais et le va nu pied a tout l’air un prince, prêt à se mettre en quatre pour retrouver « le bouton » égaré de la dame (qui en fait était bien caché sous le "petit pont japonais"… comme c’est poétique!) Il est même prêt à partager ses « petits oignons » aux épices qu’il mitonne depuis son enfance. Comble du symbole : il lui fabrique des chaussures, rouges en plus (si elle ne comprend pas …) Et tout cela se passe dans la plus grande candeur (particulièrement bien jouée par la comédienne d’ailleurs).
Que dire du personnage principal : les Jambes ? Elles sont l’interlocuteur privilégié du petit cordonnier. Il leur parle, il les aime, il vit avec elles…
Une idée farfelue ? le symbole de la féminité ? un fantasme masculin ? "Voir sous les jupes des filles", comme le chante notre rêveur préféré, Alain Souchon ? Ici, ce pauvre cordonnier, dont la situation sociale est à plaindre peut également être considéré comme le plus chanceux des hommes, puisqu’il est géographiquement idéalement placée : sous les jupes d’une femme. Mais pas n’importe laquelle !
La sensualité prend une part importante dans cette pièce et l’auteur ne s’en cache pas. Il nous parle de la femme, de ses atouts féminins, de ce qui fait rêver les hommes : ses jambes, ses chevilles, les courbes de ses genoux et….du reste, de tout ce qu’on ne voit pas, mais qu’ils imaginent et qui les fait rêver. Il la rend belle. La traite-il pour autant comme une femme objet ? Non, je dirais plutôt, comme sujet aux fantasmes, et réintroduit subtilement cette notion essentielle aux hommes, qui est celle du rêve, où la muse inspire le poète et l’accompagne dans ses pensées chimériques. Nous sommes bien loin, il me semble des clubs échangistes et du sexe libre service dont on voudrait nous faire croire qu’ils correspondent désormais à notre idéal ! Ici, pas de machisme, l’homme est déjà à ses pieds ! C’est le pied me direz-vous ? La belle pourtant n’en profite pas et, touchée par tant d’humanité se laisse tendrement réchauffer…les pieds bien sûr, par son inconnu déjà si familier. Alors l’invité n’est plus celui que l’on croit, le désir reprend vie et l’enrichissement est mutuel. Aucun doute, ils partagent bien le même langage: une langue aux sonorités bien étranges qu'elle s'efforce de traduire. Mais cela lui prend énormement de temps. Comme la route est longue (une petite vie quoi) pour comprendre les choses de la vie. Certains mots semblent même intraduisibles comme TROM qui leur pose un souci.
TROM l'envers de MORT donc... la vie. difficile à traduire! Ce mot regroupe tant de choses, tant d'émotions! Tout ce qu'on sait c'est que chez elle, il y en avait beaucoup de trom!
Rien ne perturbe le petit cordonnier amoureux. Lui s'occupe "de son pied" à elle et elle de sa langue à lui . Tout va bien.
Finie, l'histoire ne l'est pas. Comme parfois dans les contes, mais aussi dans la vrai vie…il y a toujours quelqu’un qui s’en mêle pour que rien ne se passe comme prévu…. mais je ne vous en dis pas plus, courrez vite voir ce spectacle, où même les musiciens et mélomanes ne seront pas en reste !
Une grande leçon de vie qui ne manque pas de remettre les préjugés à leur place et qui rappelle au passage que la différence est toujours source de richesse.
(1) la metteure en scène, une dame très sympatique et très douce, semble très pro. Elle sait ce qu'elle veut (en terme de personnage) et fait passer des casting dans plusieurs troupes avant de pêcher la perle rare! Son maître mot: AIMER les comédiens que l'on met en scène c'est essentiel voir indispensable pour les rendre beaux et c'est réussit car ils sont charmants.
Prochaine et dernière représentation demain dimanche à 17h !